1800 - 1814

CONSULAT ET EMPIRE

Sir John Dean Paul, Journal d'un voyage à Paris au mois d'août 1802 Paris, 1913 [pages 59-60]

Le soir nous allâmes à Tivoli, autre lieu de plaisir assez semblable à Frascati, mais moins élégant, quoique beaucoup plus vaste et, de plus, en plein air.
On y rencontre toutes sortes de divertissements ; ici, de la musique, là, des ombres chinoises, ailleurs, des tours de force, ou de magnifiques feux d'artifice ; puis, au milieu de tout cela, la danse, sur un vaste espace recouvert d'un plancher.

La danse que nous vîmes est fort curieuse et mérite d'être décrite. On l'appelle la valse ; deux cents couples environ y prenaient part, accompagnés d'une musique très lente, tournant ensemble tout autour de la plateforme, ainsi que l'indique le croquis que j'ai fait.

Ce dessin n'en peut malheureusement donner qu'une bien faible idée ; les attitudes des femmes sont agréables et entraînantes pour ne pas en dire plus ; quant aux hommes, autant vaut n'en pas parler ; ils étaient si sales et si vulgaires qu'il n'excitaient que le dégoût ; cette danse, très amusante pour les spectateurs et sans nul doute aussi pour ceux qui s'y livrent, ne sera jamais, je pense, à la mode en Angleterre.

Il me semble que Tivoli n'est pas fréquenté par la meilleure société, mais cette danse se pratique universellement dans la bonne compagnie, et n'ayant ni le temps ni l'occasion d'aller dans le monde, je fus heureux d'avoir été témoin de ce divertissement.

Je dois dire cependant que nous ne trouvâmes rien de choquant dans cette réunion ; on ne saurait, évidemment, assurer qu'elle ne se composait que de personnes appartenant au meilleur monde, mais du moins pouvons-nous constater qu'aucun des assistants ne manquait aux lois de la bienséance.


 

 

 

vers 1800

Louis Boilly

« La Folie du jour »

Johann-Friedrich Reichardt, Un hiver à Paris sous le Consulat, 1802-1803 Paris, 1896 (rééd. Paris, 2003) [Une soirée chez Madame Récamier, pages 132-137]

Voulez-vous la description d'une assemblée splendide chez Récamier, le banquier ?

De minuit à treize heures, j'ai joui là de tous les raffinements du luxe élégant.

Le premier salon, à droite du vestibule en entrant, n'a pas tardé à ne plus pouvoir contenir la foule des invités. Les dames s'étaient assises sur des fauteuils rangés en cercle, de sorte que l'on pouvait circuler autour d'elles et leur parler.
C'est dans ce petit espace, circonscrit par ce groupe féminin, que l'on dansait : une seule française à la fois, exécutée avec une perfection digne de l'Opéra.
Le plus beau danseur a été le jeune sculpteur Dupaty, fils d'un ancien avocat général au parlement de Bordeaux.
Le grand Vestris a daigné paraître et danser : sa coiffure bizarre, extraordinairement frisée et poudrée, couronnant son front qui n'en finit pas ; l'immense cravate lui cachant le menton jusqu'à la lèvre inférieure, étaient ridicules et démodées ; ses cabrioles chorégraphiques ont été tout à fait déplacées dans un milieu aussi élégant.

Beaucoup de dames ont pris part aux danses ; jadis elles cédaient généralement la place aux jeunes filles.
Les reines du bal ont été Mme Regnault de Saint-Jean-d'Angély et Mme Récamier ; cette dernière est la seule qui ait dansé avec une traîne. Il est vrai qu'elle avait protesté, à diverses reprises, qu'elle ne danserait pas.

Une mauvaise langue me contait que, dernièrement, Mme Récamier, arrivée en robe traînante, avait aussi déclaré qu'elle ne danserait pas. Sur de pressantes invitations, elle se décida enfin, se débarrassa, en un tour de main, de sa lourde toilette de soie et se trouva prête à danser avec un costume de crêpe artistement dissimulé.

Avant de quitter la salle de bal, où la chaleur est bientôt devenue suffocante, je dois une mention à l'orchestre, admirablement conduit par un violoniste mulâtre. Pour chaque française, il faisait exécuter six ou huit motifs différents, en variant chaque fois la cadence ; il commençait le motif pianissimo et continuait crescendo avec une délicatesse extrême ; l'effet était des plus agréables.

Le mulâtre et ses deux premiers acolytes, installés assez commodément sur une petite estrade au milieu du grand panneau du salon, avaient les bras libres ; mais leurs douze accompagnateurs étaient littéralement collés au mur par les invités qui se pressaient sur dix rangs de profondeur pour voir les danseurs.
Un des musiciens annonçait chaque fois la figure que l'on allait danser ; cet usage, que je ne connaissais pas, paraît adopté dans tous les salons.

C'est une fureur d'avoir ce chef d'orchestre pour les grands bals ; on se le dispute à prix d'or : quatre heures de présence, à partir de minuit, lui sont payées jusqu'à douze louis.


[Une autre soirée chez Madame Récamier, page 248]

Ce ne sont pas les danseurs qui ont manqué au bal de Mme Récamier ; c'est la place qui faisait défaut.

Il y avait tellement de monde, qu'il a été presque impossible d'organiser les danses ; très peu de personnes y ont pris part, et les assistants, désireux d'admirer les merveilleuses di primo cartello ou de contempler les grâces des danseurs fameux tels que M. Trenitz, ont dû monter sur les cheminées ou sur les sièges pour voir quelques chose.

Il y avait une affluence extraordinaire d'étrangers : Anglais et Russes en majorité, comme d'habitude ; et les nouveaux arrivés, Autrichiens et Néerlandais. Jamais je n'avais remarqué autant de luxe de toilette ; Mme Récamier était à peu près la seule qui fût en simple toilette blanche, mais avec sa coiffure en boucles, - un chef d'œuvre, - elle était délicieuse.


 

Valse française et valse allemande

Frontispice de Correct Method of German & French Waltzing par Thomas Wilson


Les petits appartemens des Tuileries, de Saint-Cloud et de la Malmaison, […] publiés par l'auteur des Mémoires d'un page […] Paris, 1831 Tome II, pages 235-242 [Bal aux Tuileries, 11 mars 1807]

Dimanche 12. Le bal donné hier dans la salle de spectacle du château a été des plus magnifiques.

La salle avait été préparée de manière à former un vaste plain-pied de niveau avec les premières loges ; elle était décorée avec un goût parfait.

Dans le parterre, agrandi de toute l'étendu de la scène, des banquettes de velours vert bordées de galons d'or étaient disposées et fixées de distance en distance, avec de larges intervalles pour les contredanses.

L'orchestre, placé au fond du théâtre, était dirigé par Julien ; il se composait de quatorze musiciens, y compris les deux nègres, dont l'un tenait le triangle, et l'autre la caisse roulante.
Trois violons : Julien, premier violon ; MM. Beaudoin et Kilken, seconds.
Une basse et une contre-basse : MM. Duport et Berteau.
Deux cors : MM. Troupenaz et Duvernoy.
Deux harpes : MM. Lamanière et Hœtchesmann.
Deux hautbois : MM. Wistler et Nima.
Une clarinette : M. Dumas.
Un basson : M. Guebeaurd
Un galoubet : J'ignore le nom de ce jeune artiste, qui, je crois, est parent de Julien ; mais il est bien étonnant qu'il soit parvenu à tirer de cet instrument si borné un parti aussi avantageux : le galoubet n'a que trois trous.

Je présume que les deux nègres appartenaient à la musique du 2ème. régiment de grenadiers de la garde impériale. C'est la meilleure.
Une seule chose m'a paru choquante : c'est l'ordonnance de l'orchestre.

D'abord, il était placé trop bas, ensuite cette décoration d'arbres étrangers entremêlés de feuillages et d'ornemens lui donnait l'air d'un de ces orchestres du Palais-Royal. Ajoutez à cela un triangle et des sonnettes suspendues d'un côté, et de l'autre une caisse avec un tambourin, n'aurait-on pas cru que l'on avait emprunté la baraque du Café du Sauvage.

À une heure, Julien a joué un rond de rond-chat à la demande de la plupart des officiers supérieurs de la garde qui se trouvaient à ce bal en grand nombre.
Tous les spectateurs se sont alors écartés, en laissant toute la longueur de la scène et du parterre pour passage, et puis les danseurs se sont élancés conduits par M. de Makau et madame de Saint-A….

Mais bientôt ne trouvant pas l'espace qui leur avait été cédé assez grand pour exécuter toutes les évolutions que cette espèce de promenade sautante exige, M. de Makau, sans rien dire, enfila la porte qui donne dans le corridor des appartemens de réception, et conduisit la longue chaîne, dont il était le chef, jusque dans un des salons du pavillon de Marsan, qui n'était ni décoré ni éclairé (les ouvriers y étaient depuis quelques jours).

De là, voulant revenir par un autre chemin, ils ont descendu, en passant près de la chapelle (dont les portes sont fort heureusement toujours fermées, car, sans cela, ces messieurs les officiers auraient été capables , se trouvant plus à leur aise, d'y exécuter leur rond de rond-chat), et ils remontèrent dans la salle de bal en passant par le Salon de Mars.


Journal des modes, 22 décembre 1803

La danse est aujourd'hui si difficile que ce n'est plus un amusement, c'est un travail.

Maintenant il faut avoir au moins deux ans de leçons avant d'oser se hasarder dans une contredanse. Sur 20 femmes priées, 19 refusent.


 

 

 

 

 

 

1811

Les 5 positions

Planche tirée de Analysis of Country Dancing par Thomas Wilson


Journal des modes, 3 mars 1804

Un bon danseur ou une bonne danseuse ne figurent jamais à une contredanse avant de savoir quelle est la liste des personnes qui seront à côté d'eux, et surtout sans connaître la force de leur vis-à-vis ; s'il n'a pas le talent d'un danseur de l'Opéra, on prie le vis-à-vis de se retirer ; s'il demeure, les bons danseurs s'asseyent et il est obligé de danser seul.

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