1830 - 1848

EPOQUE LOUIS-PHILIPPE

Théorie pratique du danseur de société, par Brunet - Paris, 1839. XIX Instruction particulière pour la formation des quadrilles et pour l’exécution de la contredanse

Par quadrille, on entend le nombre de danseurs réunis et placés pour exécuter une contredanse, qui se compose originairement de quatre cavaliers et de quatre dames, mais, à la rigueur, on peut en doubler le nombre et même le tripler.

Au lieu d’un seul cavalier avec sa dame d’un côté, il peut s’en trouver jusqu’à quatre et même davantage, mais cela ne dérange rien à l’exécution des figures, et les vis-à-vis restent toujours les mêmes pendant toute la durée de la contredanse, c’est au chef d’orchestre du bal à veiller à ce que les danseurs forment le plus de quadrilles possibles, ce qui dépend au reste de la disposition des localités.

Avant que les danseurs ne commencent la première figure, l’orchestre doit toujours jouer huit mesures d’introduction, pendant lesquelles le chef d’ordre doit bien s’assurer si les quadrilles sont bien complets, afin qu’il n’y ait aucun des danseurs sans vis-à-vis, et ceux-ci doivent être très-attentifs à ne pas partir avant qu’elles ne soient totalement écoulées.

C’est toujours au côté où se trouvent les personnes les plus notables de la société à partir les premiers ; cette priorité appartient au maître et à la maîtresse de la maison ; mais, à égale distinction, c’est le côté où se trouve l’orchestre qui doit toujours avoir la préférence.

Au commandement du chef d’orchestre :
ChaÎne anglaise, les vis-à-vis des deux côtés partent en même temps sans trop de précipitation, afin de bien suivre la mesure, et pour qu’aucun des danseurs n’arrive pas plutôt à sa place que la musique ne l’indique ; quand ceux-ci ont fini leur figure, les deux autres côtés du quadrille la reproduisent exactement.

Pour la deuxième figure, l’orchestre joue également huit mesures d’introduction ; au commandement en avant deux, les vis-à-vis qui partent les premiers conservent cette priorité pour toutes la contredanse.
Quand le quadrille n’est composé que de quatre cavaliers et de quatre dames, on ne doit partir qu’un cavalier et sa dame de vis-à-vis à la fois, et lorsque le quadrille se compose de huit cavaliers, ils ne doivent non plus partir deux voisins l’un l’autre ; s’il se trouve trois cavaliers sur chaque face, ils doivent s’entendre de manière à ce que ceux qui occupent les deux angles d’un même côté partent avec celui du milieu d’en face, après quoi leurs vis-à-vis répètent la même figure, et ensuite les deux autres côtés du quadrille.

Pour la troisième figure, le chef d’orchestre commande main droite, et elle s’exécute comme la précédente pour ce qui regarde le départ successif de chaque cavalier.

Il existe deux quatrièmes figures, mais il n’y a toujours qu’une d’elles dans le même quadrille ; c’est au chef d’orchestre d’avoir l’exactitude de commander pastourelle ou trénis, selon ce que la musique indique, et c’est aux danseurs à en connaître les détails et l’exécution ; ces figures s’exécutent dans le même ordre que les deux précédentes.

Depuis l’invention de la galopade, il existe aussi deux cinquièmes figures finales pour lesquelles la même composition de musique sert indifféremment ; c’est pour cela que les danseurs peuvent, à leur gré, exécuter l’une ou l’autre, selon la convention qu’ils ont faites entre eux.
Cinquième figure, chassé croisé à huit ou à seize (c’est-à-dire autant qu’il se trouve de danseurs sur chaque côté du quadrille), suivi de l’avant deux tour-à-tour, et exactement comme à la deuxième figure. Au commencement de chaque avant deux, on exécute toujours un chassé croisé, pour lequel la musique recommence les huit mesures d’introduction ; et enfin, après la dernière figure, on fait une promenade générale dans laquelle chaque couple se tient comme au n°7 de la première figure, et s’entresuit de manière à former un rond particulier de chaque quadrille.
Autre cinquième figure ou galopade. On commence le galop par les couples de deux côtés vis-à-vis l’un de l’autre, et ensuite en avant et en arrière par deux fois ; à la deuxième fois on change de dame en traversant, puis on forme une chaîne des dames, ensuite en avant et en arrière deux autres fois ; chaque cavalier ayant la dame et étant à la place de son vis-à-vis rechange de dame en retraversant. Cette figure est répétée une seconde fois par les mêmes couples, et enfin la même répétition a lieu pour les deux autres côtés jusqu’à la dernière figure où commence le galop général.

thomas 1816

 

 

 

 

Mazurka

1845

 

La Danse des salons, par Cellarius Paris, 1847 - La Polka

Dans les premiers temps de la polka, on exécutait ce que l’on appelait les figures. Le cavalier partait en tenant sa dame de la main droite, comme dans l’ancienne allemande, puis se tournait vers elle, et lui tournait le dos alternativement. On mêlait aussi au pas ordinaire, le pas dit bohémien, ou double polka . L’exiguïté des salons, et peut-être aussi le bon goût français, ont fait supprimer ces divers accessoires de la polka .

thomas 1816

 

 

 

 

1842

 

thomas 1816

 

 

 

 

1843

 

Dernières observations sur les salles de bal, l'orchestre, etc.


Je terminerai ce volume par quelques observations sur certains détails relatifs aux réunions dansantes, et qui, se rapportant directement à l'exercice de la danse et de la valse, se trouvent être sur ce point-là seulement de ma compétence.
On voudra bien ne voir dans ces dernières remarques que la supplique adressée par le professeur de danse aux personnes qui donnent des bals, et veulent assurément que les danseurs et les valseurs y paraissent avec tous leurs avantages.

Je recommanderai avant toutes choses le choix de l'orchestre, que l'on ne saurait négliger sans détruire en grande partie l'effet des danses nouvelles. L'orchestre a beaucoup moins d'importance pour la contredanse française, qui s'accommode assez volontiers d'une mesure telle quelle, pourvu qu'elle ne contrarie pas absolument l'exécution des pas.

Mais il n'en est pas de même de la mazurka, de la valse à deux temps, ni même de la polka, dont le succès dépend souvent des mouvements que l'orchestre imprime aux exécutants. Une valse jouée avec trop de lenteur ou de précipitation, une mazurka mal accentuée, perd tout son prestige, quels que soient le zèle ou le talent des danseurs.

Un de nos chefs d'orchestre les plus célèbres (Tolbecque), a dit qu'un musicien devrait, pour faire danser, avoir toujours un métronome au bout de son archet. Cette règle est, on peut le dire, sacramentelle et invariable.

Un orchestre de danse est fait, non pour briller pour son propre compte, mais pour faire briller les valseurs. Pour peu que le musicien se laisse emporter par le mouvement de ses propres valses, il détruit toute l'harmonie d'un bal, et devra toujours se voir préférer de beaucoup celui qui aura le mérite de conserver un mouvement fixe et régulier.

Un autre soin qui peut paraître minutieux aux personnes qui ne se sont pas adonnées particulièrement à l'exécution de la valse, et qu'on ne saurait cependant négliger, est celui des parquets des salles de bal. La valse à deux temps demande un parquet un peu glissant qui seconde les mouvements des pas, et permette aux valseurs d'exécuter leur course sans le moindre obstacle.
La mazurka, au contraire, ne saurait être exécutée sur une surface trop glissante; si les danseurs se trouvaient placés sur un parquet récemment ciré, ils courraient risque de perdre l'équilibre, et ne pourraient, dans tous les cas, déployer la précision et la vivacité que réclame le caractère de la danse. Le mieux est d'offrir aux danseurs un parquet qui, sans être ciré, soit du moins parfaitement uni, ce qui concilie à la fois les exigences de la valse et de la mazurka, et présente une sorte de terrain neutre où chaque danse peut être exécutée librement.

Il m'est arrivé souvent de voir certains de mes élèves passer déjà pour d'habiles valseurs dans l'intérieur de ma salle de cours, exécuter avec facilité la plupart des évolutions de la valse ou des autres danses, et, lorsqu'ils voulaient faire dans le monde l'essai de leurs talents, se sentir entièrement déconcertés, perdre une partie de leur assurance, se retrouver enfin aussi écoliers qu'à l'époque de leurs premiers débuts. Cette déception tenait, non pas seulement aux difficultés que font naître toutes les réunions du monde, à la foule, à la mêlée des couples, à la conduite de valseuses inconnues, mais aussi souvent à ces obstacles particuliers que j'ai cru devoir signaler ici, d'après mon expérience de professeur. Un parquet trop ou trop peu glissant, un orchestre trop lent ou trop rapide, suffisent pour paralyser en partie un valseur déjà expérimenté, et gênent même les valseurs de première force : j'étais donc par cela seul autorisé à faire de ces deux points l'objet d'une recommandation particulière.

Enfin, toujours dans ce même but de progrès général de la danse du monde que j'ai ici devant les yeux, je me permettrai d'exprimer un autre vœu en toute franchise, et même en toute naïveté : ce serait de voir élargir les salles de bal.

Ces danses nouvelles dont j'ai cherché à indiquer le caractère, que deviennent-elles lorsqu'elles se trouvent resserrées dans l'étroit espace que l'on offre si souvent aux danseurs et aux valseurs? La contredanse française a péri surtout faute d'emplacement ; les autres danses sont destinées au même sort, tant qu'on ne s'arrangera pas pour leur accorder du moins la part de terrain nécessaire. En formant ce vœu pour l'élargissement des salles de bal, je n'espère pas assurément que les salons de Paris prendront tout à coup des dimensions nouvelles ; mais n'est-il pas un moyen simple de donner aux salles de bal plus d'étendue, en se décidant à n'y admettre que le nombre de danseurs qu'elles peuvent raisonnablement contenir.

On m'a assuré que dans plusieurs grandes villes étrangères, à Vienne et à Milan entre autres, l'usage voulait que dans chaque bal on nommât un cavalier ordonnateur chargé d'organiser et de régler tout ce qui a rapport à l'exécution des danses : d'éviter, par exemple, que tous les couples s'obstinassent à s'entasser dans un même salon, quand souvent les autres pièces d'un appartement restent désertes ; de faire que l'espace réservé pour les valses ne fût pas envahi ; d'empêcher qu'un couple étranger ne vînt se mêler à une mazurka préparée d'avance et limitée nécessairement à un certain nombre de danseurs, et beaucoup d'autres détails qui ne peuvent être confiés qu'à une personne spécialement chargée de la discipline des danses.
Ne serait-il pas à désirer qu'un pareil usage pût s'introduire en France? Ce serait le seul moyen peut-être de couper court enfin à cette mode si fâcheuse des cohues dansantes.
Un bal ne serait plus, pour ainsi dire, livré à lui-même ; il se trouverait régularisé par une personne qui aurait une responsabilité particulière, et saurait établir dans les danses un ordre indispensable au plaisir de chacun.

Ces diverses observations m'ont été transmises par plusieurs de mes élèves, qui ont compris les premiers la nécessité de ces réformes à introduire dans la plupart des bals. Je ne fais ici que parler en leur nom, et présenter de leur part une sorte de réclamation collective.

Puissent donc quelques personnes du monde prendre sous leur protection les observations que j'ai cru devoir hasarder. Leur application profiterait à tous, non-seulement aux danseurs et aux valseurs eux-mêmes, mais aussi au professeur de danse, qui ne craindra plus de voir son ouvrage détruit en partie, du jour où ses élèves ne se trouveront plus placés dans le monde sur un terrain plus désavantageux que sur l'humble parquet de sa salle de cours.

thomas 1816

thomas 1816


La Polka enseignée sans maître, par MM Perrot et Adrien Robert, d’après M. Eugène Coralli, Paris, 1844

La polka est venue ; on sait quel enthousiasme elle excita à Paris ; il n’était dame, si noble et si hautaine qu’elle fût, qui ne voulût être initiée à la religion nouvelle ; ce fut une rage, une épidémie universelle, rien ne put les arrêter.
Point de salon, point de cercle, point de café où l’on ne parlât polka ; les journaux en étaient pleins.

Telle qu’on la danse en Allemagne, elle compte environ une dizaine de figures : mais la polka de nos salons se borne à la moitié tout au plus.

La polka nationale se compose des dix figures suivantes, dont les cinq premières s’exécutent seules dans les salons :

            1° La promenade
            2° La Walse
            3° La walse à rebours
            4° La walse tortillée
            5° Le pas bohémien
            6° Le changement de bras
            7° Le pas bohémien en changeant de bras et en walsant
            8° Moulinet d’une main
            9° Moulinet en suivant sa danseuse et en la faisant tourner
            10° Passe double

 

thomas 1816

thomas 1816


25 ans à Paris. Journal du comte Rodolphe Apponyi, attaché de l’ambassade d’Autriche-Hongrie à Paris [4 volumes], Paris, 1913-1926 - Volume IV, 1844-1852

3 février 1845

Nous avons eu, pendant tout le carnaval, une infinité de fêtes à la cour, surtout chez le duc de Nemours. Ses bals étaient vraiment très beaux, mais, comme toujours, il y a eu trop de monde, il y faisait trop chaud, et le duc de Nemours, au lieu de s’occuper à faire les honneurs aux femmes, ne s’occupait que des hommes pour voir s’ils étaient en culotte ou en pantalon.
Il désire que l’on porte chez lui la culotte. Il adressait des compliments à ceux qui en avaient et faisait des scènes à ceux qui étaient en pantalon, puis il les poursuivait d’un regard courroucé, de chambre en chambre, jusqu’à obliger les plus timorés à se sauver.

Il n’a pas été moins impitoyable pour ceux qui arrivaient trop tard ou qui voulaient s’en aller de trop bonne heure. Les princes, ses frères, qui, à l’exception du duc de Montpensier, ne dansent pas, ont dû se soumettre, et on les a vus s’asseoir dans un salon moins fréquenté que les autres et s’y livrer au plus doux sommeil.

La duchesse d’Istrie qui, comme beaucoup d’autres femmes, s’est cruellement ennuyée à ces bals, l’a dit assez haut pour être entendue de l’un des aides de camp du prince qui s’est empressé d’en faire part à celui-ci.

Les princes ne valsent pas, cela les étourdit et ne les amusent point. Les princesses, tout au contraire, aimeraient beaucoup valser, mais leurs maris respectifs ne leur permettent pas de valser avec nous autres.
Aussi attendaient-elles le prince de Cobourg (1) comme le Messie. Il arriva fort heureusement pour le dernier bal du duc de Nemours et, en dépit de sa paresse naturelle, il a dû faire valser toutes les princesses. Mais comme il y avait grande foule, et que lui-même n’est pas très bon valseur, il heurta presque tout le monde et peu s’en fallut qu’il jetât par terre la princesse de Joinville et ne tombât lui-même sur elle. Pour prévenir un nouveau danger de ce genre, on imagina d’arrêter tout le monde à la fois pour ne laisser valser que le seul prince de Cobourg qui tournoyait à tour de rôle avec chacune des quatre princesses. Aussitôt qu’il eut cessé de valser, la foule se précipita dans l’arène avec une ardeur redoublée : nous étions comme des échappés de collège, mais un nouveau signal de l’aide de camp fit arrêter tout court.
Je valsais avec la duchesse de Galliera, couverte de diamants. Un peu vivement lancés, nous ne pûmes nous arrêter et la princesse qui valsait déjà, se heurta contre nous. Ce choc occasionna une pluie de diamants que ma duchesse et la princesse perdirent à la fois. Je décrochai la propriété de la princesse de la robe de la duchesse de Galliera et la remis à Son Altesse Royale en échange de ce qu’elle avait enlevé à ma danseuse.
Tout cela fit rire beaucoup, et l’on ne renouvela plus une aussi ridicule manœuvre.

(1) Le duc de Nemours avait épousé en 1840, Victoire-Auguste-Antoinette de Saxe-Cobourg-Gotha ; la princesse Clémentine avait épousé en 1843 Auguste-Louis-Victor de Saxe-Cobourg-Gotha ; le prince de Cobourg dont il est question est un frère de ces derniers.

thomas 1816

 

 

 

 

1845

 



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